Gudfala morning (bonjour en pidgin !)
Maloluga waiwesana (bonjour en misima)
Et voilà, nous n'avons pas perdu notre temps pendant ces quelques mois de silence.... Nous naviguions en Papouasie Nouvelle Guinée dans l'archipel des Louisiades (îles et atolls microscopiques à la pointe sud est de la Papouasie sur les cartes du monde).
premiers contacts
Partis des Salomons, juste après le tsunami dévastateur, surtout géologiquement, nous avons navigué pendant 3 nuits au près dans la pétole et dans des vents forts. Nous avons donc vécu comme des dahuts, tout de travers et sommes arrivés à Rossel Island accueillis par des dauphins énormes (on pense plutôt à des globicephales). C'est l'une des îles les plus à l'est de la Papouasie et donc surtout la plus isolée. Les gens vivent de rien comme partout en Mélanésie et semblent heureux. Ici c'est plutôt le bon dieu qui rythment leur vie. Leur manque de tout les poussent à la créativité. Ils savent utiliser toutes les ressources végétales de leur île pour remplacer nos produits de consommation. Une éponge devient de la bourre de coco, une balle est une feuille de cocotier tressée et le moindre bout de bois se transforme en jouet pour enfant. On retrouve enfin des gens super curieux. Ils viennent, timidement tout de même, jusqu'à nous juste pour “story“. Alors on passe nos journées à raconter notre vie, le monde ou l'on vit etc. ... Nous accueillons les pirogues d'enfants chargés de fruits et légumes et réclamant des stylos et des cahiers pour l'école.
Cette première escale s'annonce prometteuse pour les autres a venir. Les alisés sont de retour, nous naviguons enfin sous voile et parfois avec peu de toile ... ça nous change du calme plat des salomons.
De Rossel à Samarai (îlot près de la grande terre), c'est une succession d'îlots ou d'îles bordés de magnifiques récifs. Nous réapprenons très vite à nous méfier des passes, des courants et des vagues. Nous naviguons d'île en île, de jour uniquement. La pèche s'avère miraculeuse.
Gros moment de frayeur début mai
Un cyclone Pierre (hors saison) vient nous agiter l'étrave au mouillage. Il passera au plus près à moins de trente miles de notre coque d'acier. Bien entendu, aucun mouillage cyclonique, et une maigre information météo. Nous vivrons 3 jours de stress intense. Heureusement, un bateau australien avec une mignonne petite famille a bord est avec nous. Nous échangeons nos avis, nos angoisses, nos astuces sur la radio. Nous sommes psychologiquement prêts à affronter le pire (J'avais préparé un sac étanche avec nos papiers, nos dollars et des baskets si nous étions jetés sur le récif frangeant derrière nous). Finalement, nous avons eu de belles rafales, de fortes pluie mais rien de bien méchant.
Nous continuons notre route vers l'ouest. Moturina (un peu d'exotisme) est un moment fort de la croisière. Je me fais ma première copine papou. En général dans cette société mélanésienne, les femmes sont toujours en retrait et les maris n'hésitent pas à les laisser dans leur maison en feuilles pour s'occuper des enfants et de leur repas pendant que monsieur vient “story“ au bateau. Cette fois, c'est l'inverse. Petrina nous invite chez elle, elle montre à Sébastien comment manger des noix de bétels (toujours ce jus rouge à la bouche qui fait tourner la tête), nous cuisine des petits plats, me couvre de cadeaux et nous passons des heures à refaire le monde.
Nous assisterons à un tribunal coutumier, trois gamins de 16 à 18 ans ont violé une petite fille de 12 ans dans une des classes de l'école à la tombée de la nuit. Les trois-quarts du village veulent punir les garçons en les privant d'école pendant un mois et le quart restant se demande si il ne faudrait pas prévenir la police. Certains nous demandent notre avis en cachette. C'est un peu un choc pour nous de voir que personne ne réagit. De rage, Sébastien propose à la mère de l'enfant de l'emmener le lendemain à la police. sur une autre île à plus de 40 miles. La nuit ne lui a pas porté conseil, nous l'avons attendu en vain.
Route de collision
Les escales suivantes sont des petits paradis flottants, lagon bleu, cocotier, petite brise, langouste et sourires papous. Nous ne restons que deux nuits à chaque fois il faut que nous avancions.
En chemin nous croisons sur notre route deux cargos énormes qui eux mêmes se croisent, nous sommes médusés. Ce sont nos pires ennemis océaniques et nous les croisons tous deux entre deux atolls sur la petite ligne dessinée sur la carte qui s'appellent la route des cargos ...
“Bichedima“ comprendre beche de mer, un mot français dans la langue papou
Nous mouillons à l'abri d'un petit îlot paradisiaque, Itamarina. Au coucher du soleil, l'île se peuple peu à peu d'une cinquantaine d'hommes. Ils vivent ici 6 mois de l'année pour ramasser des beches de mer. Ils les ramassent, les font bouillir, les vident, les font sécher, rebouillir et re-sécher pour ensuite les exporter aux asiatiques. C'est une de leur plus grosse richesse. Ils se font un bon petit pactole. 1kg de cette chaire flasque rapporte 23 euros et une beche de mer pèse en moyenne 1,5 kg .... Bien entendu, ils dépensent tout très vite.
Ville fantôme
Nous avons failli rester à Hummock Island tellement la vie y semblait douce. Mais l'appel de l'Asie nous a fait reprendre la route vers Samarai pour régulariser notre situation. En effet, toute cette croisière s'est fait dans la clandestinité. Le port d'entrée est samarai et il est à plus de 200 miles de rossel... Nous n'allions nous priver tout de même. Samarai est un choc. Nous avions imaginé que ce serait un petit Gizo comme au Salomon. C'est une ville fantôme. Pas de banque (braquée il y a un an), plus de poste, plus de cabine téléphonique...C'est déprimant, tous les bâtiments s'affessent. Une ville abandonnée. Nous rencontrons tout de même, Jeffrey, un jeune musico qui aurait fait le tour du monde ou presque 'en avion, qui connaît tout et tout le monde à Port Moresby. Le lendemain, notre copain le vieux Ernie, nous prévient que Jeffrey est recherché par la police qu'il a passé sa vie en prison, qu'il s'est enfui 5 fois et que finalement la police lui a tiré une balle dans le pied pour que à l'avenir il arrête de s'enfuir. Bienvenue en Papouasie. Ernie a 72 ans, il est d'origine australienne mais a grandi ici à Samarai. Nous sommes impressionnés de voir que cet homme a passé sa vie sur un îlot de 1,5 mile de circonférence. Il s'est marié deux fois avec des papous. Il a une belle famille de métis très sympa. Il nous éclaire un peu sur la vie en Papouasie. Il nous indique aussi quelques mouillages safe sur la grande terre. En effet, depuis que nous sommes a Samarai le vent est tombé. Et nous attendons désespérément un brin d'air pour faire les prochains 250 miles direct vers Port Moresby.
Bienvenue dans la ville la plus dangereuse du Pacifique
Nous sommes donc arrivés vendredi dernier après deux nuits de navigation au portant avec du bon très bon vent (l'éolienne sifflait), nuit étoilée mais veille fatigante car nous sommes proche de la fameuse route des cargos. .
Cardamome est ancré dans l'enceinte de la marina presque sous un projecteur et pas bien loin de la cabine du gardien. Des murailles de 4 mètres entourent le Royal Papua Yatch Club. Le bâtiment est fermé par un sas 24h/24.
En attendant, je suis vautrée dans un fauteuil molletonné en velours, sirotant un café gratuit à la clim devant quatre australiennes qui jouent au majong ... Quoi l'ambiance parait colonialiste ? totalement ! je regarde de temps à autre Cardamome flottant parmi les yatchs de 20 m.
Ici il y a tout pour être heureux si on est australien, la clim, la bière, la télé, quelques journaux, des machines à sous.... Nous sommes sortis de notre forteresse camouflés dans nos tee-shirts les plus vieux et nous sommes allés les mains dans les poches faire des courses dans un magnifique supermarché. Enfin de la “bouffe pour blanc“ comme ils disent ici. Les cales sont donc pleines de chocolat, biscuits, yaourts et boites de conserve. Nous avons du prendre un taxi pour le trajet retour (200m). Depuis, je m'active autour du bateau pendant que Sébastien va de taxi en taxi pour régler toutes les formalités. Plus il découvre Port Moresby, plus il trouve ça moche poussiéreux et dur.
Ce n'est qu'une escale administrative de quelques jours de toute façon.
Dans 2 jours, nouveau départ pour Kupang en Indonésie via le Détroit de Torres. Environ 1600 milles (pas loin de 3000 km). La navigation pourrait durer 2 semaines.
Prochaines nouvelles donc d'Indonésie.
Céline
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